lundi 7 janvier 2008

Une journée oisive à la campagne

ci-après, une petite nouvelle pour débuter la nouvelle année...

Une journée oisive à la campagne


C'était un petit matin brumeux, comme il s'en produit régulièrement par ici. Le soleil ne transperçait guère ce nuage de coton. Mais qu'importe, je n'avais rien prévu de faire ce matin là. Une petite grasse mat' me ferait le plus grand bien après la journée agitée de la veille. Visiter les mines des nains, choisir leur meilleur tabac et leur meilleur hydromel. Ecouter les elfes chanter des cantiques généralement déprimants... Non, toujours déprimant ! A croire que ces êtres ne vivent que pour ressasser un lointain passé : un temps où ils se croyaient les seuls êtres bénis des dieux, luttant contre d'obscurs ennemis. Depuis, l'eau avait coulé sous les ponts, ceux-ci avaient disparu, remplacé par d'autres, et les rivières avaient changé de cours... J'avais aussi du intervenir au conseil des confédérés. Une vive querelle opposait un elfe à un nain concernant la dot de la fille du premier. A la base l'idée était bonne, mais généralement source de conflit entre les deux familles... Enfin, le problème avait été aplani, mes arguments s'étaient révélés pour le moins convaincants. S'en était suivi un repas pantagruélique à la taverne de maître Grinbarand. Ses petits pâtés en croute étaient délicieux, mais un peu lourd pour l'estomac. Heureusement aujourd'hui, rien de prévu. Chic alors. Je m'étirai en baillant, puis refermant les yeux, me plongeai à nouveau dans un délicieux petit sommeil.

Ding dong ! La pendule sonna dix heures précise. Il était temps de se lever. Même si je n'avais rien à faire... Non finalement, autant rester au lit encore une petite demi-heure. Mmm, qu'il était doux de rêvasser ainsi, en observant les aiguilles tourner. La petite était en platine, la grande en or, le reste en acajou flammé. Une pure merveille d'ébénisterie elfique et de travail nain pour le mécanisme. Je dois reconnaître qu'ils s'y connaissaient en beaux objets. Seuls les elfes savaient aussi bien travailler le bois. Et je dois dire que je n'avais jamais vu une machine fabriquée par les nains tomber en panne. Ils maitrisaient parfaitement la science des rouages et des balanciers. Sur ce domaine, au moins, on pouvait leur faire entièrement confiance.

Ding dong ! Ce coup-ci, il était midi ! Et il me fallait vraiment me lever. Ne rien faire de la matinée, oui, mais sauter le déjeuner, non. Ca jamais ! Le déjeuner, c'est sacré. Ni une ni deux, je sautai en bas du lit, enfilai une robe de chambre à carreaux, et allai dans la cuisine. J'ouvris la chambre froide et en sorti un demi cochon. Quelques minutes dans la source chaude, et hop : miam miam. Ma cuisine était la mieux équipée de toute la vallée. Un petit ruisseau, descendant directement du glacier en amont, me servait pour conserver au frais mes denrées alimentaires. Ce qui était rudement appréciable, je n'avais pas envie de courir tous les matins pour tuer le cochon ou d'être condamné à manger de la viande séchée et archi-salée en permanence. Surtout que je ne raffolais pas des plats trop salés. Un geyser d'eau bouillonnante, remontant des profondeurs de la terre, faisait office de mode de cuisson instantané. Pas besoin de s'époumoner pour faire cuire la viande... Pour le reste je disposais d'une batterie de vaisselle conséquente et de qualité. Services en porcelaine dorée à l'or fin, plats en argent de toute taille et de toute forme, couverts en platine, choppes en cristal, chaudrons à thé en terre cuite : un pour chaque sorte : noir, vert, parfumé à la fleur d’oranger, au jasmin… Et même un spécial pour le thé à la menthe. Celui-ci était en argent et servait le plus souvent.

Une fois le demi cochon dans mon estomac, je fis une petite promenade dans le parc potager. Le brouillard s'était complètement levé, un beau soleil brillait au-dessus des cimes enneigées. La belle après-midi que voilà. Je cueillis deux potirons qui allèrent retrouver instantanément le demi cochon, et allai m'asseoir face au grand pic, sur la souche d'un vieux cèdre millénaire. Je sortis une pipe de ma poche, la bourrai avec le tabac nain prélevé la veille, et me mis à faire des ronds de fumée. Délicieuse cette herbe ! Parfumée comme j'aime, avec une légère touche d'amertume sur la fin. Mmm... Une heure s'écoula ainsi. Tout était calme dans la plaine. Il y avait bien quelques elfes qui s'affairaient dans un champ au loin. Mais ils travaillaient en silence. Je les avais bien dressés. Quand je pense qu'il y a quelques siècles, ils voulaient me tuer... Les imbéciles. Ils se prenaient pour des guerriers invincibles, avec leurs longues épées en céramique et leurs arcs d'if. Mais que nenni, j'étais bien trop intelligent et trop fort pour eux. Ils avaient beau mettre leurs querelles de côté et s'allier aux nains, leur défaite n'en avait été que plus cuisante. Ceci étant, depuis, ils s'étaient montrés sages et cordiaux. Comme quoi, ils n'étaient pas aussi stupides qu'ils en avaient l'air.

Je me levai de ma souche et entrepris de me dégourdir un peu les membres. Il me fallait tout de même faire mon exercice quotidien. Après quelques heures à parcourir les champs, je rentrai à la maison, juste à temps pour préparer le dîner. Un autre demi cochon m'attendait, ainsi qu'un petit baril de liqueur d'hydromel, idéal après un bon repas.

Une fois la vaisselle faite, Je m'installai confortablement sur mon lit de pierres précieuses, des saphirs pour la plupart, les diamants étaient trop durs pour mes écailles. J’étendis mes ailes sur les lingots d'or prévus à cet effet. Il faudrait d’ailleurs que change la rangée du haut, elle était un peu trop émoussée. Les nains se chargeraient de ça. Ils aimaient bien travailler l’or.

Je parcourus quelques rouleaux de parchemins en sirotant un petit thé et m'endormis d'un profond sommeil. Ah, une journée d'oisiveté comme j'aimais en faire de temps en temps. Mais rassurez-vous la vie d'un dragon n'est pas toujours de tout repos. Mes journées d’oisiveté comme celle-ci ne sont pas légions.

vendredi 4 janvier 2008